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III. — LES AFGHANS DE L’ÉMIR ET L’ÉMIR

fils. Afzal Khan, l’aîné, revendiqua le trône ; mais il n’était vaillant qu’à table et le verre en main : son fils Abdoul Rahman lève pour lui des troupes dans le Turkestan, bat les lieutenants de Chir Ali ou les achète, bat l’Émir même, qui s’enfuit à Hérat, entre à Caboul et proclame son père. Une invasion des Uzbegs le rappelle dans le Nord et Chir Ali profire de son absence pour reconquérir Caboul. Abdoul Rahman, abandonné des siens, se réfugie à Boukhara, puis à Tachkend, où le général Kauffmann lui offre l’hospitalité russe, mais sans vouloir lui donner les moyens de reconquérir son héritage. C’était en mars 1870. Abdoul Rahman attendit là en silence, sachant que son jour viendrait. L’histoire de son grand-père lui avait appris que, dans un pays d’anarchie comme celui qu’il venait de quitter, l’heure de l’homme fort vient toujours. Il passa dix ans à Tachkend, économisant pour l’heure de la lutte sur les 25,000 roubles de pension que lui payait la Russie.

Cependant l’Émir Chir Ali, effrayé de voir les Russes devenus ses voisins, se jetait dans les bras de l’Angleterre. Le vice-roi tory, lord Lytton, jaloux des lauriers libéraux de lord Auckland, recommença 1839, et rejeta les Afghans dans les bras de la Russie. Chir Ali périt dans la lutte ; son fils, Yakoub Khan, installé à sa