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LETTRES SUR L’INDE

une couronne avec de la paille d’orge qu’il vient de ramasser, il la pose sur le front d’Ahmed et s’écrie : « À quoi bon discuter ? Dieu a créé en Ahmed Khan un homme plus grand que vous tous. » La voix de Dieu devient la voix du peuple et Ahmed Khan est acclamé Ahmed Chah. Vers le même temps, le derviche eut un rêve : pour que la tribu des Abdalis entrât dans ses destinées nouvelles, il lui fallait un nom nouveau ; Ahmed Chah, qui avait pris le titre de Douri douran, la « perles des perles », changea le nom des Abdalis en celui de Douranis. C’est le nom sous lequel sa tribu règne encore.

Ahmed Chah fut l’idéal du roi afghan. Il comprit son peuple et le prouva de deux façons : il respecta l’indépendance des tribus et les mena au pillage de l’Inde. Tout en investissant le clan royal d’un prestige semi-divin, — il déclarait tout Sadouzai inviolable et sacré, même au roi,  — il ne gouverna que d’accord avec les chefs de tribus, dont le Conseil fut consulté pour toutes les grandes mesures de gouvernement. Les mesures proposées étaient toujours des mesures de conquête. Il mena quatre fois les tribus au delà de l’Indus ; il prit Delhi, qui fut saignée et pillée de nouveau ; il épousa, et fit épouser à son fils, des princesses du sang impérial, et annexa le Penjab, le Sind et Cachemire ; à sa mort, l’em-