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LETTRES SUR L’INDE

mêmes des anciens conquérants de l’Inde, fondus depuis des siècles dans la race conquise, et qui ont, de temps immémorial, oublié la langue et perdu l’ascendant de leurs ancêtres, se redressent fiérement pour vous lancer leur mot : « Je suis Pathan[1] », avec l’accent d’un : Civis romanus sum. Mais, comme le fond du caractère afghan est l’indépendance personnelle et le droit absolu de l’individu, la communauté de mœurs, au lieu d’amener la formation d’un gouvernement et d’un ordre réglé, n’aboutit qu’à la lutte des égoïsmes et à la guerre continue de tous contre tous. Chaque tribu vit à part, ne s’occupant de la tribu voisine que pour lui enlever son bétail, se coalisant avec elle pour en piller une troisième, et partagée elle-même par les querelles intestines de ses Montaigus et de ses Capulets. Quand l’Afghan ne va pas dans l’Inde en quête d’une couronne, le coin de montagne et le village qu’il habite offrent un horizon assez large à son ambition, et la caravane qui passe lui tient lieu de Delhi et du Kohi-Nor. Les circonstances

  1. Le nom national des Afghans n’est pas Afghan, nom qui leur est donné par les Persans, mais Poukhtoun, au Nord, et Pouchtoun, au Sud ; Pathan est la prononciation indienne de Poukhtoun et désigne les anciens conquérants afghans, établis dans l’Indoustan.

    La langue des Poukhtouns s’appelle le poukhtou, et celle des Pouchtouns s’appelle le pouchtou.