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III. — LES AFGHANS DE L’ÉMIR ET L’ÉMIR

accourent en masse sous le drapeau des aventuriers turcs, qui, du treizième au seizième siècle, dominent l’Indoustan et fondent l’empire de Delhi. Dans le continuel travail de décomposition et de recomposition de cet empire, des chefs de bandes afghanes vont se tailler des royaumes jusque dans le Bengale et l’Orissa. Au quinzième siècle, une dynastie afghane, celle des Lodis, monte sur le trône de Delhi même : c’est la dynastie renversée par le Grand Mogol[1], renversée non sans peine et avec des retours imprévus de fortune.

Pendant que les aventuriers vont chercher fortune dans l’Inde, le gros de la nation végète dans ses montagnes. De nation, à la vérité, il n’y en a pas. Le caractère national afghan est accentué aussi fortement que possible, sans qu’il y ait de nationalité afghane. Rien ne ressemble à un Afghan comme un Afghan, et nul orgueil de race n’égale son orgueil en face de l’étranger, de quelque pays qu’il vienne, de Candahar ou de Ghazni, du Yâghistan ou du Rohilkhand, de Bannou ou de Haiderabad. Les descendants

  1. Baber, fondateur de la dynastie mogole (1526), qui dure de fait jusqu’à la conquête anglaise, et nominalement jusqu’à la grande rébellion de 1857.