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II. — PÉCHAWER

Piro, de la tribu des Khalil, car c’est lui qui m’a ouvert le monde de la chanson afghane. Une nuit, comme je l’entendais chevroter d’une voix édentée un lambeau de chanson, je sortis et lui demandai de me la répéter : il se fit longtemps prier comme une cantatrice coquette ; mais m’étant fermement installé en chaise, au clair de lune, mon khidmatgar[1] accroupi à mes pieds à la façon hindoue, il fallut bien s’exécuter :

Mon ami est parti pour le Dekhan et m’a laissée seule. J’étais allée vers lui en suppliante :

— « Qu’ai-je besoin que tu deviennes Radja dans « Azrabad (Haiderabad) ? » — et je l’avais pris par le pan en lui disant : « Regarde ! »

Ici Piro s’arrêta, et ni prière, ni promesse, ni menace ne purent lui arracher un vers de plus : son répertoire poétique était épuisé. À quoi es-tu bon sur terre, vieux tchaukidar ? — Mais trois jours plus tard, il m’amenait Mohammed Khan, le mélancolique tisserand de Sifid Dhéri, qui me chanta sur le rebâb la chanson du Railway, et celle des amours de Mahbouba, et tant d’autres chansons jolies. Désabusé des manuscrits pouchtous qui n’avaient point tenu tout ce que j’espé-

  1. Domestique.