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II. — PÉCHAWER

le reste de l’Inde ; mais la kalima[1], récitée avec ferveur cinq fois par jour, purifie l’âme et efface tout ; autrement, je vous demande un peu à quoi pourrait bien servir la religion.

La population flottante se recrute principalement parmi les Afghans d’au-delà la frontière, surtout les fameux Afridis. Ceux-là sont de race noble : ils mentiront bien en justice et ailleurs autant de fois que l’on voudra et vendront leur clan pour dix sous par jour, mais leur spécialité est le vol et le meurtre. « Voyez-vous ces Afridis, me dit un jour le Révérend Corbyn en me montrant trois grands hommes barbus et pressés qui nous croisaient rapidement sur la route d’Abbottabad. — À quoi les reconnaissez-vous pour Afridis ? — Ils vont jetant les yeux à droite et à gauche et la main à demi fermée ; c’est l’habitude de happer au passage tout ce qui est bon à prendre qui leur a donné cette attitude. » L’Afridi tue pour voler, il tue pour se venger, et il tue aussi pour la gloire de tuer. Entre le Péchawéri et l’Afghan, il y a haine à mort et du mépris à revendre : je suppose qu’un dialogue entre la hyène et le tigre exprimerait assez bien leurs sentiments réciproques. Nous

  1. Profession de foi musulmane : « Il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah, et Mahomet est son prophète. »