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LETTRES SUR L’INDE

plus à Péchawer pour l’amour de Dieu, mais seulement pour les intérêts mondains.

Tout le monde, d’ailleurs, n’assassine pas à Péchawer. Il y a deux sortes de population, l’une fixe et l’autre flottante. La première est constituée par le Péchawéri proprement dit, qui est un produit spécial : mêlez l’écume de toutes les races voisines, amenées par le reflux de dix siècles de conquêtes et de pillage, Penjabis, Kachemiriens, Afghans, Parsivans, en y joignant les Pourvias[1] et les Bengalis qu’y amènent depuis quarante ans les besoins de la domesticité militaire et de l’administration anglaise, et vous aurez le Péchawéri. C’est l’être mixte qui prend naissance dans toute place troublée où il y a de grands mouvements à exploiter, une armée en marche à piller, des vainqueurs ou des vaincus à saigner à blanc. Le vrai Péchawéri n’est pas un homme de sang : il n’est qu’escroc, faussaire, espion ; bon enfant d’ailleurs, et dont vous ferez tout ce que vous voudrez avec de l’argent ; prêt à vendre, bien entendu, et à offrir au besoin sa femme, sa sœur ou sa fille, ce qui fait que Péchawer, avec toutes ses mosquées, est Pall Mall Gazette au possible, un peu plus que

  1. Pourvias ou Orientaux : désigne les gens venus des provinces de l’Est, le pays de Lucknow et ce que les gens de Calcutta appellent les North Western Provinces.