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II. — PÉCHAWER

à son rôti, ni à son pain, mais je ne voudrais pas pour cela les condamner sans appel, ni décourager les amateurs. Sa religion, au contraire, se fait apprécier du premier coup ; il n’est de saints tels qu’à Péchawer, et vous ne passerez pas une rue le soir que vous n’entendiez des voix nasillardes ronflant de derrière la fenêtres les sourates du « Coran illustre ». Au temps de l’empire afghan, Péchawer était la grande Université de l’Asie centrale ; Boukhara la Sainte, elle-même, lui rendait hommage et lui envoyait des élèves, et les docteurs de Péchawer disaient : « Le religion n’est ni à Roum (Stamboul), ni à la Mecque ; elle est à Péchawer. »

La conquête sikhe, puis la conquête anglaise portèrent un grand coup à son prestige religieux. Elle en garda rancune, et pendant longtemps, quand un Firanghi passait dans le bazar, surtout si c’était un officier, il avait grand’chance de tomber tout à coup, sans savoir pourquoi, un poignard au cœur. L’assassin se laissait généralement prendre, car le plaisir de tuer n’est rien sans la gloire : quelquefois il disparaissait dans la foule et filait en deux heures au delà de la frontière, ayant pris son billet pour le paradis sans avoir à y monter par l’escalier peu confortable de la potence. Depuis une dizaine d’années, les cas de ce genre se font rares et l’on n’assassine