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LETTRES SUR L’INDE

dans le marais, le lièvre disparut et il aperçut un petit berger qui fabriquait un petit stoupa de bois. « Que fais-tu là ? » lui dit le roi. L’enfant répondit : « Il y a quatre cents ans, le Bouddha a prédit qu’il viendrait un grand roi qui érigerait ici un grand stoupa[1] sur ses reliques. L’heure est venue, et vous êtes le roi prédit. » L’enfant, à ces mots, disparut, et le mécréant, tout fier d’avoir été prédit par un Dieu, ouvrit son cœur à la foi et bâtit sur la place un stoupa colossal à cinq étages, qui couvrait dix boisseaux de reliques. Il ne reste pas une pierre du stoupa, pas une dent ébréchée du Dieu ; mais la place où il se dressait est encore sainte parmi les Hindous, si oublié que soit le Bouddha : c’est le Gor Kharri, ou « marché du Gourou », ainsi nommé d’un Gourou[2] qui, dit-on, ayant plongé dans une fontaine voisine, reparut l’instant d’après à trois milles de là, dans l’étang qui est sur la route de Michni, et que l’on appelle le Gourouk Digghi ou étang du Gourou. Chaque année, aux foires du mois de Baisakh, des milliers d’Hindous viennent là se baigner et gagner la vie éternelle. Il y a des gens, toujours prompts

  1. Construction bouddhique en forme de dôme destinée à abriter des reliques.
  2. Gourou, docteur, maître spirituel.