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I. — LE PONT D’ATTOCK

jamais le pilier bougeait, l’empire indou croulerait. Le roi curieux creusa jusqu’au fond, et le pilier trembla ; le sang ruissela à la base, et un esclave turc vint de l’Ouest avec d’innombrables multitudes, égorgea le radja, se fit empereur, et érigea près du pilier d’airain le minaret que vous voyez là[1], haut comme la tour de Babel et que n’a encore ébranlé nulle tempête, ni des hommes, ni des dieux. Puis Tughlak Abad, « la ville de l’empereur Tughlak », enceinte effrayante, cité d’enfer, vous dira qu’il y a cinq siècles à peine il y avait encore des cyclopes : tout a disparu à l’intérieur, sauf la tombe-forteresse du maître, qui se tient barricadé là jusqu’au jour de la résurrection.

Trois tombes encore où il fautque vous vous arrêtiez : la tombe de marbre de Khosro, qui est le moins oublié de tous ces morts, parce qu’il fut poète et que ses vers voltigent sur la lèvre du paysan. Puis le palais-sépulcre où le Mogol Houmayoun dort dans le marbre avec son impératrice, et, à ses pieds, la foule anonyme de ses courtisans. C’est là que, le jour venu, il y a trente ans, la dynastie mogole vint mourir à l’ombre de l’aïeul, et c’est dans ce coin que Hodson, de Hodson Horse, tira, blême et tremblant, le dernier des empereurs. Une dernière

  1. Le Qutub Minar.