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I. — LE PONT D’ATTOCK

milles de là, dans la vieille capitale déserte, Amber, qui dort dans la montagne. Sur la hauteur, en face des hauteurs, au-dessus de l’un de ces lacs où se mire tout palais hindou, le château royal ne voit, à droite, à gauche, en face de lui, que cimes surmontées de palais, de forteresses ou de temples, et aussi loin qu’il porte le regard n’a que des pairs à qui parler. Mais tout est vide et muet, autour de lui comme en lui, et les chapelles pyramidales qui prient à ses pieds et les grands Divans d’audience, et le Jasamandira comme le Sukhamandira, la Chambre de Gloire, comme la Chambre de Plaisir. Pourtant, par instant, pour recevoir quelque déesse ou quelque demi-dieu, Parvati fêtant son Dasahra, ou quelque héritier de l’impératrice des Indes, le château de la Belle au Bois Dormant s’éveille : les longues files d’éléphants, caparaçonnés de soie et d’or, foulent de leur pied lourd les pentes sévères, le long du lac ; les fanfares oubliées font tressaillir le cœur de la montagne ; les diamants, l’or et l’acier scintillent dans le reflet des salles cristallines ; toute la cité morte s’emplit de multitudes et de bruits : c’est toute une semaine de délires et de cris ; puis la fièvre tombe, les spectres s’enfuient : Amber reprend son sommeil : et rêve aux radjas d’autrefois.