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I. — LE PONT D’ATTOCK

sainte où les Djaïnes[1] d’il y a six siècles ont multiplié à l’infini dans le marbre l’image de leur Homme-Dieu.

Montez à la nuit tombante, par un soir de mars ; la route monte entre le précipice et la montagne, dans l’ombre croissante ; les éclairs blanchissent les cimes ; les troupeaux de bœufs descendent effarés la pente rapide ; le cri sonore de vos Bhils[2], s’appelant de crête en abîme, monte et descend dans l’écho en notes inquiètes ou joyeuses, monte et descend à travers les ondées soudaines, le roulement des tonnerres lointains et les reflets de bivouacs indigènes, allumés contre le froid et les fauves. Au matin, vous irez dans les temples de Dilvarra adorer l’image, répétée de cellule en cellule, de Parçvanath, toujours le même et omniprésent ; vous ferez le tour, de droite à gauche, de la svastika mystique, riche de promesses et d’espoir ; et vous cueillerez dans les ruines la fleur de tchampa, la fleur-jaune, belle et troublante, ivre de parfums,

  1. Secte voisine du Bouddhisme, adorant les Djinas, c’est-à-dire les saints victorieux, qui ont triomphé de tous les désirs mondains, comme les Bouddhistes adorent les Bouddhas, « ceux qui ont acquis la science parfaite. » Le Djina le plus honoré est Parçvanath. Les Djaïnes sont la secte la plus riche de l’Inde et quelques-uns des temples les plus beaux ont été bâtis par eux.
  2. Bhils, aborigènes à demi-sauvages, servent de guides et de porteurs au Mont Abou.