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LETTRES SUR L’INDE

dans une nuée aveuglante de poussière et de soleil. C’est jeudi, jour de ziârat[1], et le long du canal Mahmoudiéh remontent des charretées de femmes voilées qui s’en reviennent du cimetière, où elles sont allées, selon la coutume d’Islam, pleurer sur leurs morts ou rencontrer leurs amants.

Au soleil levant, la chaîne rougeâtre du Sinaï se fond dans le rose pâle de l’horizon qui s’éveille. Trois jours, trois nuits d’une mer de velours, sans vague et sans écume, avec des ondulations de soie sous le glissement du navire. À l’îlot de Djebel Zoukour, le soleil et la vague caressent les épaves de deux vaisseaux. Aden, dans la solitude des côtes, des mers et du ciel, dresse, comme un fantôme noir, ses effrayants entassements de rochers, qui doivent être, dans la mitraille ou dans les éclairs, splendides comme l’enfer.

À la mer des Indes, la nuit, en verve de poésie, nous donne le spectacle rare des phosphorescences vertes. Le soleil s’était dissous en feu de Bengale ; une immense lune rouge nage à l’horizon, puis, d’un bond soudain, monte au ciel et se fait d’argent ; elle inonde l’Orient,

  1. Pélerinage aux tombes des saints ou des parents.