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LETTRES SUR L’INDE

vant l’ascète l’image de son temple futur et il cédait la place de terreur. Jamais lieu solennel et mystique, plein de souvenir et d’extase, n’a été converti en plus banale Philistinade. Ce sacrilège, rappelé par une fière inscription anglaise en lettres d’or, a été achevé en 1880 : c’est l’œuvre d’un ingénieur plein de bonnes intentions, M. Beglar : depuis ce jour, me dit-on, Bouddha×Gaya a pris parmi les initiés le nom de Beglarabad.

L’arbre de Bodhi, sous lequel le Bouddha prit conscience de lui-même, a été replanté pour la dixième fois, il y a trois ans : heureusement l’on vieillit vite sous le ciel de l’Inde et dans quelques années il aura les vingt-quatre siècles nécessaires.

Vichnou a hérité de Bouddha : dans Gaya ville, dont Bouddha Gaya est une dépendance, on adore le pied de Vichnou, pied portant la roue solaire, comme on adorait jadis le pied de Bouddha. Et les mendiants du temps de Bouddha doivent avoir été la plus abominable meute qui soit au monde, à en juger par leurs représentants Vichnouites du jour, qui vous poursuivent avec des prières furieuses à travers toute la ville, en tendant la main et criant d’un ton impérieux : « Je suis Brahmane. » Un magnifique et robuste jeune homme vous poursuit tout un