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LETTRES SUR L’INDE

femme de l’Empereur, dont les murs portent encore les fresques du Chah Nameh, est converti en Dak Bengalow : le bearer fait la cuisine dans le Chatai mahal. Les chambres du palais de la Reine Jat sont toutes noircies de la fumée de la cuisine : sur les dalles un tcharpai[1], un chaudron, un tas de fumier, où fument les débris du tchilam[2], et auprès, un misérable Hindou, accroupi au milieu des splendeurs de ses anciens maîtres.

Le maître lui-même repose à Sikandéra, à sept milles d’Agra. Cinq étages colossaux conduisent à une terrasse de marbre, d’où la vue tombe sur la Jamouna et s’arrête au lointain sur la bulle blanche du Taj. Au milieu de la terrasse est la tombe de marbre de l’Empereur, en plein soleil. Mais ce n’est qu’un cénotaphe : la vraie tombe, avec la cendre du mort, est enfouie sous terre, sous le poids des cinq étages, mais exactement au-dessous de la tombe fausse, dans la même forme et les mêmes dimensions, de sorte que l’Empereur repose dans la nuit sous la terre et jouit en même temps de l’apothéose dans la lumière du ciel.

  1. Bois de lit où l’Hindou fait sa sieste.
  2. Le narghilé indien.