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LETTRES SUR L’INDE

sants : comme elle n’est plus limitée par le sens, elle agit sur l’âme tout entière.

Le lendemain, le Général m’offre une chasse au sanglier, une partie de pig-sticking. Nous allons en phaéton jusqu’aux fourrés où les éléphants nous attendent, avec une vingtaine de lanciers pour relancer la bête. Faute d’échelle pour monter à éléphant, — raffinement ailleurs en usage,  — un homme tend par l’extrémité libre la queue de l’animal qui devient le plus sûr des échelons. Nous étions six éléphants, tantôt en file, tantôt en ligne ; en file, le spectacle est laid et monotone comme un alexandrin ; en ligne, il est grand et beau. Devant nous courent des enfants tendant la corde raide et les hommes crient à tue-tête Tuo tuo lé-lé lé-lé, pour lever la bête, qui ne se lève pas. Nous marchons deux ou trois heures à travers les champs d’orge et les cannes à sucre, si hautes que du houda[1] nous les dépassons à peine ; tout s’écrase au passage, tant pis pour les fermiers du Nawab. Le Général s’ennuie et, pour passer le temps en m’instruisant, me lit à haute voix le Gazetteer de Rampor qui est son œuvre, et qui est un des meilleurs de la collection, en levant la voix quand le hasard de la marche sépare nos éléphants. Un instant,

  1. Sorte de selle d’éléphant.