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XIV. — DE LAHORE À PARIS

et le porc portait au cou ces mots : « Voilà votre Dieu : n’est-ce pas un joli petit Dieu ? » La police est intervenue ; mais la police est indoue, elle est tombée à cœur joie sur les Musulmans, et en a tué deux. À Etawah, les Musulmans sans armes se sont rués sur la troupe anglaise, en criant « Din ! Chahid ! Religion ! Martyre ! » C’est la première fois, depuis la grande rébellion de 57, que des gens de l’Inde ont marché sur l’uniforme anglais.

Je retournai à la tombe de Houmayoun, d’où Hodson, en 1857, arracha le dernier empereur, le vieux Béhadour Chah[1]. Le vieillard était poète : il était élève du poète Atach et avait composé, sous le nom de Zafar, un Divan que l’on chante encore. Durant le siège et son empire éphémère, il gémissait en vers harmonieux : et après sa chute, l’imagination populaire retrouva pour lui la légende de Genséric ou celle des enfants d’Israël aux bords du fleuve de Babel :

Quand il fut pris, me conte un ami musulman, le vice-roi et les Lords vinrent le visiter dans sa prison et lui dirent : Béhadour, tu es poète : prends ta guitare et chante-nous une chanson !

  1. Voir plus haut, page 15.