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LETTRES SUR L’INDE

que sa fidélité soit bien robuste pour résister au démon du jeu, le démon indien qu’exorcisaient déjà en vain les Richis védiques.

Le soir le bazar est en feu : les boutiques illuminées regorgent d’idoles ; les pères de famille font leurs emplettes divines, pour le culte de l’année, achetant, l’un un Krichna amoureux au milieu des bergères, un autre le vénérable Ganech, à tête d’éléphant, qui est le dieu de la science ; ou Yasodâ portant l’enfant divin dans ses bras, ou quelque Rama victorieux. La foule assiège les confiseurs, car c’est le jour où l’on s’envoie les Mithai[1] ; et les vaisselles de cuivre, flambant neuf, fascinent le regard.

Il y a un mois, le sang a coulé. La vieille haine des Musulmans et des Hindous s’est réveillée, comme elle se réveille, à heure fixe, toutes les fois que la fête de Rama coïncide avec celle du Moharrem et que la procession joyeuse et triomphale rencontre, en l’insultant de sa gaieté, la sombre procession de deuil qui pleure les fils d’Ali assassinés. Les Musulmans ont égorgé des vaches sous l’œil des Indous : les Indous ont répondu en attachant de nuit un petit porc à la chaire trois fois sainte de la Grande mosquée

  1. Sucreries, bonbons.