Page:Darmesteter - Lettres sur l’Inde, à la frontière afghane.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
LETTRES SUR L’INDE

en vivent ou ils en meurent, selon le bon plaisir de Dieu, et ils ont foi en lui.

Le Nawab est un homme grand et puissant, la face large, le nez gros, les yeux saillants, rêveurs et bons ; il porte un justaucorps de velours et une calotte de velours brodée d’or ; il est assis, les mains et le menton solidement appuyés sur la pomme d’or d’un bambou épais. L’ameublement est européen : au mur, le Charles Ier de Van-Dyck, et de belles dames tirées des journaux de modes.

Le Nawab est triste, parce qu’il est déçu et troublé dans sa conscience. Il est homme de progrès, et il a cru que l’Europe pouvait apprendre quelque chose de bon à l’Inde. Il a prêché l’étude des choses de l’Occident. Il ne sait pas l’anglais, mais il a donné de l’argent pour fonder des collèges où on l’enseigne. Et maintenant, il doute. On lui traduit les journaux d’Europe, et il voit que les hommes d’Europe sont livrés au mal. Il voit que, dans le pays d’Allemagne, on chasse, par le froid et la faim, des milliers de pauvres gens, parce qu’ils ne sont pas Allemands ; en France, les gens tuent ceux qui ne sont pas de leur avis, et les juges crient : « c’est bien fait ; » à Londres, le peuple pille les rues, et un journal, appelé le Pall Mall Gazette, a publié des choses qui prouvent que les mœurs