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XIV. — DE LAHORE À PARIS

veilleuse, » et Anarkali, « fleur de grenade. » Mais un jour que l’Empereur et Anarkali étaient à la fenêtre du harem, regardant les cavaliers qui paradaient dans la cour, parut au milieu d’eux Sélim, le fils de l’Empereur, qui leva les yeux vers eux ; et l’Empereur vit un sourire passer sur les lèvres de Fleur-de-Grenade, un sourire qui n’était pas pour lui. Il la fit donc enterrer vivante.

Sélim l’ensevelit dans un marbre, blanc comme le jasmin ; les cent noms d’Allah, sculptés en relief dans la pierré, courent en fleurs virginales autour de la pauvre fille, et au-dessous on lit d’un côté : Madjnoun Selim Akbar, « Sélim, fils d’Akbar, fol d’amour, » et de l’autre ces deux vers persans :

Agar man bâz bînam roui yâri khwîch râ
Tâ qiyâmat chaukr gouyam kardigâri khwîchrâ.

Si jamais je revois le visage de celle que j’aime, je dirai merci à mon créateur, jusqu’au jour de la résurrection.

Vous me demanderez si je crois à l’histoire que je vous conte : pour vous parler franchement, je n’en crois rien. Akbar était le Marc-Aurèle de l’Inde, et bien qu’un Marc-Aurèle indien puisse se permettre quelques vivacités qui