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LETTRES SUR L’INDE

Il y a trois siècles, Mohammed Kasim Khan, cousin de l’empereur Akbar, se fit bâtir une tombe royale, puis alla mourir en route au pèlerinage de la Mecque, de sorte que la tombe de Lahore resta vide de son hôte. Les Anglais vinrent, ils virent qu’elle était bonne et en firent un palais pour les vivants. On a construit tout alentour, pour loger le Lieutenant-gouverneur du Pendjab, et la tombe au centre est la salle de festin. J’y ai vu mousser le champagne et les « speech » d’adieu au gouverneur qui prend sa retraite ; et le bruit des verres et des toasts, en frappant les arabesques de la voûte et les versets du Coran qui serpentent, ne rendait pas, je vous assure, un bruit funebre.

Autre tombe, celle-là plus modeste, près de la station du chemin de fer. Le nom du premier locataire, je l’ai oublié ; la tombe est à présent une église. On l’appelle « l’Église des employés du railway », parce que c’est là que ces modestes fonctionnaires vont, trous les dimanches, rendre leurs devoirs au Seigneur.

Le grand monde de Lahore va ailleurs : à la tombe d’Anarkali. C’était une danseuse que l’empereur Akbar aimait. Elle était si belle qu’il l’avait appelée Nadira Begum, « la dame mer-