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XIII. — LA FIN D’UNE RACE

irlandaise, qui, d’un bout à l’autre de la séance, marmottent la profession de foi musulmane (Il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah, etc.), afin de désarmer les dépositions des témoins et le verdict du juge. Les témoins viennent un à un à la boîte, amenés par un policeman indigène : étant Afghans pour la plupart, ils déposent en pouchtou et l’interprète traduit en hindoustani, langue officielle. Les témoins ne sont pas toujours très clairs, ce qui amène des discussions fort longues, mais non plus claires pour cela, entre le témoin, le juge, le procureur, et le policeman qui s’en mêle aussi. Les témoins ne sont pas très laconiques, à Péchawer pas plus qu’à Paris : tchoup chah ! (tais-toi), tranche le juge, et le témoin de continuer la phrase lancée ; tchoup chah, répète le policeman, en appuyant le conseil d’une bourrade, et le témoin s’est déjà tu depuis longtemps que le policeman, le greffier, l’interprète crient encore à tue-tête, tchoup chah ! tchoup chah ! avec des intonations qui marquent le paroxysme d’une indignation zélée. Je songe un instant au Palais-Royal et au pauvre Labiche : mais en reportant mes yeux sur les six accusés qui marmottent toujours, l’image de la tragédie finale me fait oublier le vaudeville de l’instant.

La justice aux Indes est publique, selon le