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LETTRES SUR L’INDE

V

C’était donc à la cour des Sessions à Péchawer. La séance manquait vraiment de majesté.

Sur l’estrade le juge, grand bel homme à longue barbe noire, luisante et soyeuse : je ne me rappelle pas avoir jamais vu si belle barbe noire dans la magistrature assise ; il est en jacquette ; très calme, impassible et très doux. À droite, l’interprète, debout ; et assis contre le mur et comme en pénitence, les deux muets qui représentent l’opinion publique indigène ; à gauche, accroupi, le greffier paperassier ou Sirrichta dâr, dont le qalam grince activement en barbouillages irréguliers sur les papiers oblongs qui s’amoncellent.

Au pied de l’estrade, le procureur ou commissaire, un peu rageur, plus qu’on n’attendrait d’un magistrat anglais, mais c’est un magistrat d’occasion. En face du procureur, la boîte à témoins (witness box). Devant l’estrade, les six accusés enchaînés, grands gaillards à mâchoire