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XIII. — LA FIN D’UNE RACE

Dans ce monde tu es ma vie et mon âme et rien d’autre ne l’est : je te le jure, ô ma vie !

La poussière de tes pieds est un onguent pour mes yeux, je le jure par la poussière de tes pieds.

Quand tu ris, on n’y peut rien comparer, ni rubis, ni perles[1] : je le jure par ton rire.

Vraiment, je t’aime, je t’aime, et toi seule, et je le jure, moi Khouchal, par ton beau visage.

Mais les belles n’étaient point toujours de l’avis du prince sur les mérites de la barbe blanche. Je ne sais si même au temps d’Anacréon les jeunes Ioniennes croyaient, comme leur poète, que les roses sont plus belles mêlées aux lis. Le pauvre prince en fit une expérience douloureuse.

Sur le tard, bien que le souvenir de ses cinquante-sept fils, dont si peu fidèles, l’eût rendu sceptique sur la noblesse du sang maternel, il se prit d’amour pour une jeune fille des Yousoufzais qu’il épousa : on n’assure pas qu’il eût demandé son consentement, chose peu nécessaire chez les Afghans et surtout pour un prince. Amenée dans la maison du Khan, elle se prit à pleurer. Il lui demanda en vain la cause de ce grand chagrin : elle ne répondait qu’en pleurant de plus belle. Il lui donna des joyaux, de beaux vêtements, des esclaves : et elle pleurait toujours.

  1. Rubis des lèvres, perles des dents.