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LETTRES SUR L’INDE

l’amour des belles. La lassitude avait désarmé la haine, l’amour ne désarma pas. Le blanc de sa barbe ne l’effrayait pas :

Une barbe blanche est un signe qui vous rend respectable parmi les hommes : c’est la chute des dents qui seule fait honte à un homme.

Tant qu’un homme a les dents en place, si blanche que soit la barbe, il n’est pas vieux ; loin de là, c’est jeunesse.

Que le vieillard ne s’inquiète pas de l’âge, tant que l’œil est bon et ne marque pas de déclin.

Qu’est-ce que la vue de la bien-aimée au vieillard ? Vraiment c’est l’élixir, le baume aux blessures du cœur.

Le moine renoncerait-il jamais à l’amour ? Non ! non ! il ne peut l’atteindre : de là sa dévotion et sa piété.

Quoique l’âge de Khouchal ait passé les soixante-dix ans, pourtant, dans son cœur, il y a toujours amour et affection pour les belles.

Je suppose pourtant que sa barbe n’était pas encore tout à fait blanche quand il écrivait ces jolis vers :

Ne me dis pas : « Pourquoi jures-tu par moi ? » Si je ne jure par toi, par qui jurerais-je ?

Tu es la lumière même de mes yeux : je le jure, par ces yeux noirs de toi.

Ton visage est le jour, tes tresses sont la nuit : je le jure par le matin et je le jure par le soir.