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LETTRES SUR L’INDE

échanson, apporte-nous les coupes pleines et débordantes.

Car les jeunes Afghans ont de nouveau teint leurs mains en rouge, comme le faucon teint ses serres dans le sang de la proie.

Ils ont rougi de sang leurs épées brillantes, et le lit de tulipes a fleuri, en pleine chaleur de l’été.

C’est maintenant la cinquième année que dans ce voisinage chaque jour entend le cliquetis des épées étincelantes.

Mais depuis que je suis ici[1], je ne suis plus qu’un néant : ou je suis devenu bien méprisable, ou c’est ce peuple qui est infâme.

Je leur crie : Aux armes ! aux armes ! jusqu’à ce que je sois las ; et, sourds à tout, ils ne répondent point : Mourons ; ni : Ma vie pour toi !

Les chiens des Khataks valent mieux que les Yousoufzais, bien que les Khataks eux-mêmes ne valent guère mieux que des chiens.

Tous les autres Afghans, de Candahar à Attok, ouvertement ou secrètement, sont d’accord dans la cause de l’honneur.

Voyez combien de batailles ont été livrées de tout côté ; et pourtant, parmi les Yousoufzais, pas un sentiment de honte ne s’éveille.

Voici un an qu’Aurengzeb lui-même campe devant nous, hagard et perplexe, le cœur blessé.

Voici année sur année que ses nobles tombent dans la bataille ; et ses armées balayées, qui les comptera ?

Les trésors de l’Inde ont été répandus devant nous :

  1. Chez les Yousoufzais.