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LETTRES SUR L’INDE

Khouchal Khan fut fidèle. Il accompagna même le fils de l’empereur, Mourad, dans une expédition au pays de Badakhchan, d’où viennent les rubis balais, et quand le grand Aurengzeb renversa et emprisonna son père, tua ses frères et monta sur le trône du paon, le chef des Khataks continua imperturbablement ses services à la cour suzeraine de Delhi. Si Aurengzeb s’était contenté de les accepter, il est probable que le nom de Khouchal serait oublié et que l’Orient aurait un héros et un poète de moins. Heureusement Aurengzeb fut ingrat.

L’on a souvent comparé Aurengzeb à son grand contemporain de France, parce que, comme lui, il vit l’apogée de son empire et comme lui en prépara la chute par son ambition et sa bigoterie. Mais il avait en plus les vices de l’usurpateur. Arrivé au pouvoir à force de perfidies et de crimes, il avait trop mauvaise conscience pour croire à la loyauté d’autrui. Le gouverneur de Caboul, ennemi mortel de Khouchal, le dénonça comme suspect à l’empereur, qui l’envoya en prisonnier, bien loin de ses montagnes natives, au cœur de l’Indoustan, dans le donjon de Gwalior. Il s’y rongea le cœur pendant sept ans. Que faire en prison, quand l’on est poète, que d’envoyer aux brises lointaines l’éternel message de l’exilé :