Page:Darmesteter - Lettres sur l’Inde, à la frontière afghane.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
LETTRES SUR L’INDE

témoins, accroupis dans l’herbe, attendent patiemment, sous le soleil indien, l’heure de venir mentir en justice.

La justice criminelle aux Indes, à part quelques grandes villes, ne connaît point le jury : elle est rendue par un juge unique, le juge des Sessions (Sessions judge), assisté de deux assesseurs indigènes muets, qui n’ont qué voix consultative : jury inoffensif. Le système a du bon : le jury est une chose passable chez un peuple tel que les Anglais, qui a la notion de la loi ; c’est une chose plutôt malfaisante chez des peuples qui ne l’ont pas encore, comme les Afghans de Péchawer, ou qui ne l’ont plus, comme les Français. Un bon juge est encore ce qu’il y a de mieux ; par malheur, pour faire de bons juges, il faut des siècles et une longue sélection. Après tout, gardons le jury.

Les accusés étaient au nombre de six : un beau vieillard de quatre-vingts ans, ses deux fils, et trois de ses domestiques. Une affaire de meurtre. Le vieux, étant en procès, avait trouvé plus simple et plus expéditif de faire assassiner son adversaire.

L’affaire faisait grand bruit dans le pays. Je m’étonnais un peu : un assassinat de plus ou de moins n’est pas à compter dans le district de Péchawer.