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XIX
PRÉFACE

Bombay a retenti dernièrement d’un procès étrange : une jeune femme, mariée enfant à un enfant, a refusé, le moment du mariage venu, d’aller vivre avec un mari qu’elle n’avait ni choisi ni accepté. Son mari de par le choix des parents et de par la loi religieuse l’attaque devant les juges anglais et réclame le droit de la violer par autorité de justice. La justice a reconnu son droit[1].

Les politiciens de l’Inde sont comme ceux d’autres pays : l’objet suprême de la politique est non pas la réforme, mais seulement une place au budger ; les nôtres plus habiles mettent en avant le progrès, la réforme sociale, le droit des masses, se font une arme de la misère du peuple : en Inde la chose n’est pas possible : l’éloquence d’un Mirabeau ne soulèvera pas la moindre ride sur l’océan croupissant de la misère indoue : soit inertie ou sagesse, la masse ne demande qu’une chose : vivre, souffrir, mourir en paix, sans le savoir, comme ont fait les générations passées, en buvant son tody et fumant son chilam, avec l’idole de village à la porte.

  1. Un compromis est intervenu : le mari gagnant a déclaré renoncer à user de son droit : mais son droit est constaté.