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XII. — LA CONFESSION DU MOUNCHI

petit de huit ans, et lui fait dire : « Allah, fais que mon père revienne à des sentiments meilleurs ! » Et voilà ma vie tout le jour et toute la nuit. À droite, mes frères de Dodial m’écrivent que si je reçois mon beau-père, si je lui parle devant le monde, je suis déshonoré, et qu’ils ne resteront plus à Dodial, étant avilis. A gauche, mes beaux-frères me menacent du badal[1]. Vous savez que chez nous on tue plus facilement un homme qu’un oiseau, et si on répugne à faire la chose soi-même, on trouve toujours qui la fera pour quelques roupies.

« Au bazar et à la mosquée, on est indigné contre le vieux Nour-Ahmed qui prend le parti d’un fils indigne, et on l’appelle Balaam. Tout le monde est convaincu que la mésaventure de Zebehr est due à ma patience et à mes prières et à ce que j’ai remis ma cause à Dieu. Mais à la maison la vie est terrible. Le jour même où ma mère est morte, ma femme m’a dit que la veille elle avait pardonné à Zebehr et avait demandé que je pardonne aussi : je n’étais pas là, et je suis sûr que c’est un mensonge de ma femme ; car ma pauvre vieille mère avait Zebehr en horreur, et l’indignation et la douleur avaient hâté sa fin. Je lui ai demandé devant ma femme :

  1. Badal, vendetta. Voir plus haut, page 101.