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LETTRES SUR L’INDE

bien ! ce monstre, ce païen de Zebehr est en prison, sans que j’aie rien fait pour l’y faire mettre. De retour à Kaghan, il y a commis de nouveaux vols, on l’a arrêté et on vient de l’amener enchaîné à Abbottabad pour le juger. Tout le monde dit à la mosquée : Voyez-vous cet Ibrahim ? il a supporté patiemment son injure, et c’est pour cela que Dieu le venge. »

Le lendemain, Ibrahim était sombre et tête basse. « Qu’y a-t-il, Ibrahim ? Est-ce que Zebehr est relâché ? — « Non, Sâb, mais il y a pis. Voici que mon beau-père, Nour Ahmed, le père de Zebehr, est venu de Kaghan avec ses fils, et ils me disent : « Ibrahim, tu es l’ami des Sâbs ; tu es influent auprès du commissaire et des juges : il faut que tu ailles les voir pour faire remettre Zebehr en liberté. » — « Moi, parler pour Zebehr ! Pour Zebehr, qui m’a volé, qui a volé ma femme, qui a voulu tuer mon fils, qui a séduit sa fiancée ! Non, c’est Dieu qui le frappe. — Ibrahim, me dit sévèrement mon beau-père, un Afghan ne laisse pas juger un Afghan par les Firanghis. » Et ma femme me supplie et m’obsède à table, au lit, partout, et ; comme elle voit que je suis inflexible, elle se met en prière et dit : « Allah, délivre mon frère ! » ou bien : « Allah, fais que le père de Piro Khan devienne bon et miséricordieux ! » ou bien elle appelle mon autre fils, le