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LETTRES SUR L’INDE

demander de l’argent ; je ne savais pas pourquoi il voulait de l’argent et j’en envoyais. Quand je revins à Abbottabad, je trouvai ma femme tout en pleurs. Je demandai : Où est Bouta Djan ? Où est Zebehr ? Elle me dit que Zebehr lui avait volé tous ses bijoux, pour les vendre et dépenser l’argent avec les filles du bazar, et que Bouta Djan, ma petite Bouta Djan que j’aimais tant, qui lisait si bien le Coran illustre et qui était si jolie avec ses mouhours d’or pendant à ses tresses, était partie un soir avec lui et qu’ils n’étaient point revenus. Le matin Bouta Djan avait dit à ma femme qu’elle avait dix-huit ans et que Piro n’en a que seize, que Piro est petit, faible, laid et bête, qu’il lui fallait un fiancé qui fût un homme et qu’elle prenait Zebehr.

« J’étais en colère, Sâb : cette petite Bouta Djan que j’aimais tant, qui lisait si bien le Coran illustre et réciçait si bien ses prières ! et tout cet argent que le drôle m’avait volé et les bijoux qu’il avait volés ! Et puis séduire une fille qui avait étudié avec lui le Coran ! une sœur d’étude, une sœur spirituelle, plus qu’une sœur par le sang ! C’est le pire des incestes. Est-ce qu’on voit jamais pareille chose dans votre pays, Sâb ?

— Jamais, Ibrahim.

— Ce n’est pas tout, Sâb. Comme Bouta Djan est fiancée à Piro, Zebehr ne pouvait l’épouser