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LETTRES SUR L’INDE

presque comme un bouzourg[1], il a chez lui des bouttes, des idoles, comme un misérable Hindou. Mais en y réfléchissant bien, je crois que ce ne sont pas des idoles, puisqu’on ne leur adresse pas de prières. Qu’en pensez-vous, Sâb ?

— Hum ! Maulévi, j’ai bien peur que ce ne soit des bouttes. Es-tu bien sûr que ta petite fille ne leur adresse pas de prières ?

— Oh, bien sûr, Sâb, dit-il en hésitant.

Un remords me saisit le cœur : s’il allait reprendre les poupées à la pauvre petite, par crainte du Molla ! Car Ibrahim est un de ces hommes qui ne transigent pas sur les choses de la religion et il jeünerait trente et un jours en ramazan, s’il a le moindre doute sur le premier jour du Croissant, plutôt que de faire parler de lui à la mosquée. « Rassurez-vous, lui dis-je, Ibrahim, on peut avoir des idoles et être un saint.

— Vous croyez, Sâb, » et il passa vivement à un autre sujet.

« Quand je vis que le gouvernement rendait justice à mon mérite, j’écrivis au Lieutenant-gouverneur et lui dis : Au temps ancien, quand nos rois Musulmans régnaient dans l’Inde, c’était

  1. Saint doué du don de miracles.