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XII. — LA CONFESSION DU MOUNCHI

on m’offrirait mille roupies par mois, je ne pourrais rester au régiment, parce qu’il n’y a pas de jour où le clairon ne sonne au moment de l’une des cinq nemaz[1], ce qui m’empêche de faire mon salut. Et comme Dieu tient toujours les intérêts de ceux qui tiennent les intérêts de Dieu, je gagnai à devenir mounchi professsionnel dix fois plus que je ne gagnais au service du gouvernement, sans perdre pour cela les bonnes grâces et l’estime des Sâb. D’ailleurs, je suis homme pacifique et n’aime point le bruit des armes qui trouble la pensée. Depuis ce temps, je n’ai cessé de prospérer grandement dans le monde et devant Dieu. Les Sâb qui ont le mieux réussi aux examens dans les dix dernières années ont tous passé par mes mains : j’ai enseigné le persan au Lieutenant-gouverneur et à son gendre, le capitaine Dunlop Smith, qui m’a emmené à Simla ; et au retour, Mme la Lieutenant-gouverneur, apprenant que j’avais des enfants, m’a envoyé pour eux des poupées. Oh ! j’étais bien embarrassé, Sâb ; car, des poupées, le Molla dit que ce sont des idoles ; et si l’on savait à la mosquée que j’ai accepté des idoles, cela ferait grand scandale et on dirait : vous savez, le Maulévi, qui était un si saint homme, que tout le monde regardait

  1. Une des cinq prières réglementaires.