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LETTRES SUR L’INDE

tés, car c’étaient de forts et vigoureux gaillards : mais moi, le capitaine jeta à peine un regard sur moi et me renvoya d’un geste.

« Je retournai à Dodial, où je pensai mourir de honte, car chacun me montrait du doigt en riant et disait : « Voyez-vous Mohammed Ibrahim qui voulait porter le fusil ? Un Talibi ilm qui veut entrer dans le paltan[1] ! » Mais je me dis que j’en aurais le dernier mot. J’allai chez le boucher, j’achetai un bouc pour trois roupies et retournai à Abottabad avec mon bouc. Arrivé là, j’allai trouver le soubehdar[2] et lui montrai le bouc. Il me dit : « Joli bouc ! Quelles cornes ! Ce doit être un bon bouc de combat. — Excellent, lui dis-je : le veux-tu ? je te le donne. » Il accepta avec plaisir et me demanda s’il pouvait m’être agréable. Je lui répondis : « Je veux entrer dans le paltan ; on me refuse, parce que j’ai l’air faible, mais je ne le suis pas ; et puis, je sais lire et écrire. » Le Soubehdar me prit avec lui, me présenta au capitaine et fit mon éloge, dit que j’étais un Talibi ilm, que je savais lire et écrire et qu’un homme qui sait lire et écrire c’est toujours utile dans un régiment. Le capitaine m’accepta. Le jour suivant, il y avait un combat

  1. Le régiment.
  2. Capitaine indigène.