Page:Darmesteter - Lettres sur l’Inde, à la frontière afghane.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
XII. — LA CONFESSION DU MOUNCHI

se laissa fléchir et dit qu’il donnerait le chien si mon oncle donnait les livres. Mon oncle était un sauvage et un ignorant qui ne savait rien de rien : il donna tous les livres de grand cœur et emmena le chien en riant, et se moquant du naïf Molla qui donnait un si beau chien pour de vieux livres.

« De retour au village, je dis à mon oncle : « Tu as pris la terre de mon père, il faut me la rendre. » Il me répondit : « Prends-la, si tu peux. » J’allai me plaindre au Serkar[1] : mais le Serkar me répondit qu’il avait toujours vu mon oncle sur cette terre et que par suite elle lui appartenait. À quoi me servait de savoir le persan et l’arabe, de lire dans le texte le Coran illustre, de connaître tous les hadis du prophète (béni soit-il !) : il fallait mourir de faim, ma mère et moi. Sur ces entrefaites, j’appris que l’on demandait des Pathans[2] pour le régiment du capitaine Cook à Abbottabad : deux jeunes gens du village partaient pour s’engager : je leur dis : je vais avec vous. Ils se moquèrent de moi et tout le village disait en riant : Voyez-vous le petit Talibi ilm qui veut se faire soldat ? Arrivés à Abottabad, mes deux compagnons furent tout de suite accep-

  1. Serkar, le gouvernement.
  2. Nom indien des Afghans.