Page:Darmesteter - Lettres sur l’Inde, à la frontière afghane.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
LETTRES SUR L’INDE

gens qui veulent s’instruire aillent de pays en pays, partout où il y a des gens savants de qui ils peuvent apprendre quelque chose, sur le Coran illustre, la jurisprudence et les chroniques. Je partis donc en Talibi ilm[1] ; j’étudiai à Péchawer, à Kaboul et en Svât ; en Rayistan, en Afghanistan et en Yaghistan. J’étudiais le jour dans la mosquée avec les Mollas ; je dormais dans la houjra[2] et je mangeais où l’on m’invitait.

Je revins à vingt ans chez ma mère, la barbe au menton, très savant et très maigre. Or, pendant mon absence, mon oncle, — le frère de mon père,  — s’était emparé de ses terres et ma mère pleurait. IL avait fait pis encore : il avait vendu tous les livres de mon père, les beaux manuscrits sur le Coran illustre, sur la jurisprudence et les chroniques. Voici comment la chose se fit. Il y avait à Dodial un vieux Molla très rusé et qui avait un beau chien : mon oncle vit le chien et dit au Molla : « Quel beau chien ! — Oui, c’est un beau chien, dit le Molla ; le chien des sept Dormants de la Caverne était moins beau. — Je voudrais bien l’avoir, dit mon oncle ; donne-le-moi ; qu’est-ce qu’un Molla peut bien faire d’un chien ? » Le Molla refusa longtemps ; à la fin il

  1. Chercheur de science, étudiant.
  2. La maison commune ouverte aux étrangers.