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LETTRES SUR L’INDE

Vous y entrez quand il vous plaît ; vous prenez le catalogue, y voyez les livres qui vous tentent ; vous les prenez vous-même sur les rayons, cinq volumes, dix, quinze, vingt, comme il vous plaît ; vous inscrivez sur un registre ad hoc votre nom, le titre des livres empruntés et le jour ; vous les lisez chez vous à loisir, les rapportez, les remettez en place et écrivez en face du titre rapporté, avec la date. Simplicité des moyens et confiance réciproque : je n’ai rien vu dans l’Inde qui fasse plus honneur à l’esprit et au caractère anglais.

L’automne venait, la plaine redevenait accessible : je quittai non sans regret l’abri montagneux où j’ai passé les cinq mois, sinon les plus heureux, du moins les plus tranquilles de ma vie. Je fis mes adieux à mes aimables hôtes qui m’avaient presque fait oublier que j’étais un étranger et redescendis la route de Hasan Abdal que j’avais montée si péniblement cinq mois auparavant. Arrivé à Hasan Abdal, mes yeux tombant sur le sol, je sentis une émotion dont je n’avais jamais eu l’idée, l’émotion des rails. J’avais dans la montagne oublié l’existence des railways ; et ces deux longues bandes de fer, je les voyais soudain se prolonger devant moi à l’infini jusqu’a Bombay et par-dessous la mer jusqu’a Brindisi, jusqu’a Paris, jusqu’aux portes du home.