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LETTRES SUR L’INDE

représentant à Abbottabad de la question de l’Asie Centrale : c’est un ancien héros qui a eu son heure et qui à présent, bien qu’il n’ait que trente-cinq ans, prend du ventre à l’abri de l’hospitalité anglaise, comme une véritable majesté bien entripaillée. Quand les Russes marchaient sur Samarcand en 1867, l’Émir de Boukhara ne les attendit pas et fit la paix. Son fils, l’héritier présomptif, le Katé toura, se révolta et se mit à la tête du parti national. Il lutta à toute outrance : M. Vambéry le fit périr dans les sables du désert. Il reparut soudain en fugitif à la cour de l’Émir d’Afghanistan, Chir Ali, dont il épousa la fille ; puis enfin, ayant une vague idée qu’un héritier présomptif de Boukhara doit être une chose précieuse pour les Anglais, il se rendit dans l’Inde. On lui fit une pension de 1,500 roupies qu’il dépense à Abbottabad, en criant misère et réclamant sans cesse une pension plus royale. Voilà pas mal de temps qu’il attend le moment de monter à cheval, en route pour Boukhara : pour l’instant il n’y monte que pour le polo dont il est enragé. Samedi dernier, en entrant au mess, après un polo où il avait fait rage, quoique exténué, — car c’était le Ramazan et le ventre royal était à vide de toute la journée, nous avons été fort étonnés d’apprendre par un télégramme de Vienne, reproduit dans le Journal de Lahore,