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XI. — ABBOTTABAD ET LA VIE DE GARNISON

bach ou du Beethoven. Mais on n’a jamais entendu un de ces musiciens tartares fredonner en dehors du service le moindre des airs qu’il exécute si bien : ils font l’exercice sur le trombone et la grosse caisse comme ils le feraient sur le fusil.

Il est rare que le mess soit au complet, surtout en été. Le régiment a trop peu d’officiers en temps de guerre, parce qu’il faut qu’ils donnent de leur personne pour enlever leurs mercenaires ; ils tombent dans la bataille comme des capucins de carte : dans aucune armée la proportion d’officiers tués n’est si grande. En revanche, en temps de paix, il y a pléthore et par suite ce sont des congés continuels. Cachemire est proche et l’on s’en va à la premiére occasion y faire les deux seules choses qu’un Sâb se soucie d’y faire, me dit un grommeleur indigène, chikar ou ichq, c’est-à-dire la chasse ou l’amour. Il faut savoir que Cachemire est célèbre sur toute la frontière pour ses cerfs à douze cornes dans la montagne et pour ses belles gondoliéres sur la rivière.

La conversation est peu variée. L’Inde et les Indiens en font rarement les frais. Les incidents du dernier polo et du dernier gymkhana, les faits et gestes du Chah Zadeh de Boukhara, les aventures du dernier bal de Murree et, quand l’heure approche, les angoisses du prochain examen de pouchtou. Le Chah Zadeh de Boukhara est le