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XV
PRÉFACE

qu’elle réjouit. Que deviendra la domination anglaise quand l’Inde instruite par l’Angleterre se sera élevée à son niveau : ne sera-t-elle pas tentée de dire, ne commence-t-elle pas à dire l’Inde aux Indiens ? Ces craintes et ces espérances me semblent également chimériques. L’instruction que l’Angleterre donne à ses sujets est trop superficielle et trop vide pour les rendre forts et dangereux. Elle est superficielle et vide, non par dessein politique, mais parce que l’enseignement européen en général, anglais en particulier, est vide et superficiel ; seulement, la force morale et l’instinct d’action suppléent en général chez l’Européen aux lacunes du développement intellectuel. Cette instruction est d’ailleurs la dose exacte que pourrait supporter l’intelligence d’un Indien ; mais comme il n’y a pas chez lui le contre-poids du caractère et de l’énergie pratique, l’éducation européenne a pour tout effet d’énerver en lui les énergies et les vertus héréditaires, et de créer des ambitions nouvelles sans la force qui les justifie ou les satisfait.

Leurs confrères d’Europe, nos agitateurs de club et de presse, sont dangereux parce qu’il y a en eux une force d’appétit qui s’ajoute au détraquement cérébral, et nous sommes forcés de compter avec eux, parce que nous savons qu’ils peuvent, au premier instant, laisser la plume pour le fusil et passer du club à la