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XI. — ABBOTTABAD ET LA VIE DE GARNISON

Le Député-Commissaire de Hazara, dans les premiers temps de mon séjour à Abbottabad, était M. Fryer, le plus beau spécimen du genre que j’aie rencontré. Grand et fort, avec le tempérament flegmatique des blonds, il avait le calme et l’énergie imperturbable, une force de travail illimitée et la volonté d’être juste, quelques-unes des qualités qui imposent le plus aux races mal civilisées et leur enseignent le respect. Il avait passé une dizaine d’années à la Déra de Ghazi Khan, parmi les Béloutchis britanniques, et, grâce à la connaissance profonde qu’il avait acquise de la race, il avait obtenu, pendant la dernière guerre d’Afghanistan, le concours des Béloutchis indépendants, ce qui assurait l’aile gauche de l’armée d’invasion. Il y avait deux ans que le gouvernement l’avait arraché à ses chers sauvages, pour le transporter au milieu des Afghans, autres sauvages, mais si différents : car en dépit des apparences, il y a autant de diversité entre sauvages qu’entre civilisés. Les Béloutchis ont un proverbe pour définir leur caractère national : « Le Béloutchi qui n’est pas allé en prison, qui n’a pas tué son voisin ou enlevé sa femme, n’est pas un Béloutchi » ; et il faut dire qu’il y a beaucoup de Béloutchis parmi les Béloutchis. Les Afghans acccepteraient volontiers le proverbe pour leur propre compte ; la grande différence,