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XIII
PRÉFACE

sont écrits en anglais. Un prophète comme Keshub Chunder Sen, un poète comme Miss Toru Dutt, un publiciste comme Malabari, auront leur nom dans un chapitre spécial de la littérature anglaise. Chaque année les Universités de Bombay, de Calcutta, de Lahore, de Madras jettent dans la circulation des centaines de diplômés, avec qui l’on peut parler dix minutes littérature, philosophie, science, sans trop s’apercevoir qu’ils ne sont pas Européens. Mais plus l’Indien s’européanise, plus l’abîme se creuse entre les deux races, parce que le rapprochement apparent ne fait qu’accuser davantage l’antipathie de nature, profonde et incurable.

Cette classe nouvelle qui se forme d’Indiens anglisés n’est pas et ne peut pas être l’élite de la population. Malgré quelques nobles exceptions qui prouvent qu’à la longue il pourra se faire un mélange fécond des deux esprits, et qu’un Indien qui parle anglais n’est point nécessairement un homme perdu, la masse qui constitue certe classe n’est pas allée vers la civilisation européenne attirée par une pure curiosité intellectuelle et par le sentiment de sa supériorité : elle y va en quête de places. Pour entrer comme Babou dans une quelconque des places inférieures que l’Angleterre ouvre aux indigènes, il faut parler et écrire l’anglais et tout ce qui veut