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LETTRES SUR L’INDE

juste assez d’elle-même pour jouir de son anéantissement ; car la félicité, c’est le seul sentiment du mourir, ce n’est point le néant même de la mort, le néant aveugle et sourd, où ne passe ni l’écho des paroles sonores ni le reflet des images radieuses. On appelle Abbottabad the sleepy Hollow, « le trou qui dort », et elle est en effet, l’été durant, lourde de sommeil, mais non sans rêves ; et le soir, quand la pensée se réveille, elle flotte languissamment sur la brume des montagnes brunes, s’y engloutit et s’y fond comme si elle était de la même matière, et enveloppe dans son naufrage tout le monde des choses et celui des âmes,

E’l naufragar mi piace in questo mare.

III

Il n’y a point d’hôtel à Abbottabad ; rien que le Dak Bengalow, où l’on dort mal et mange à l’avenant, et où l’on est exposé à chaque ins-