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X. — ABBOTTABAD

brillent comme l’argent sous le soleil apoplectique, soit que par la pluie les nuages blancs, à quelques mille mètres sous vos pieds, fassent de la montagne et de la plaine une immense nappe de neige. Au Gor Khatri de Péchawer, le grand fer à cheval des montagnes afghanes vous enserre des trois côtés ; mais par devant s’ouvre la plaine que sillonne un filet d’argent, la rivière qui vient de Caboul et qui va, languissamment d’abord, puis avec frénésie, chercher l’Indus au pont d’Attock. Et bien loin d’ici, par derrière Bombay, les Ghattes qui montent à Pouna et Khandalla, ont cette grâce et cette beauté que de tous côtés elles vous ouvrent la montagne, y fendent de larges brèches de plaine et de ciel, de sorte que l’œil ne perd point prise sur l’infini de l’azur et que l’âme y respire à l’aise dans la grandeur des choses.

Ici, au contraire, tout est vaste et tout est fermé : pas une ouverture de montagne qui laisse le regard voguer sur la vallée, pas un petit ruisseau d’argent qui brille au soleil et qui vous dise en souriant : « Je suis libre et le monde est vaste, et je m’en vais vers les larges plaines et les vastes océans là-bas. » L’âme se sent opprimée dans la hauteur solitaire : mais c’est une oppression sans angoisse et non sans charme : la pensée s’éteint et garde