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X. — ABBOTTABAD

révolutions anciennes, séparées par des milliers d’années, de drames obscurs dont la brise et le vent vous murmurent encore des lambeaux d’histoire. La rivière jadis coulait plus haut et plus près des cimes ; par deux fois, elle s’est affaissée dans les convulsions de la montagne : tombera-t-elle plus bas, plus bas encore ? Le ciel est pur, la brise est clémente : la paix de Dieu soit sur vous, montagnes austères !

Tout le sol du pays jusqu’a Cachemire glisse et s’affaisse ; il y a deux ans, Cachemire a tremblé tout entière et deux mille cadavres ont vogué sur le Tchenab. L’an dernier, tout Abbottabad a branlé ; tous les bengalows ont penché la tête et ont laissé tomber à terre leurs cheminées et leurs girouettes ; aujourd’hui encore, en plein azur et en plein parfum, deux ou trois fois par semaine, la terre tremble sous vos pieds et murmure discrètement le dernier mot de la sagesse humaine : Nolite confidere !

L’été, qui gravit plus tardivement la montagne, est enfin monté au sommet d’Abbottabad. Abbottabad, à la hauteur de ses 1, 500 mètres, se rit de la plaine qui se pâme ; mais du haut de leurs 3, 000 mètres, les montagnes qui l’enveloppent, de Murree à Mansehra et de la Tchangla-Galli à Thandiani, à leur tour l’oppressent