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X. — ABBOTTABAD

loin, les cimes noires de Kaghan, et par derrière, les crêtes d’argent de Cachemire, où je n’irai point. Les collines proches sont nues et stériles : si le sommet de la Brigade Circulaire ondule de sapins et de cèdres, ne croyez pas qu’ils soient là de leur gré : c’est que le Député-commissaire leur a donné l’ordre de pousser là. Mais sous le soleil qui s’incline, leurs flancs brunis prennent dans la brume indienne des nuances si douces, de tels sourires tremblants, que l’on dirait l’âme nuageuse de la montagne qui laisse passer sur son front toutes les ombres du rêve changeant qui l’agite. Le soir tombe, la brise s’élève ; qui donc a dit :

Le vent qui vient de la montagne
Me rendra fou.

Le voici qui passe, le vent de la montagne, et il emporte toute tristesse du corps et de l’âme, l’inquiétude de la pensée et du souvenir, angoisses du passé et de l’avenir, regrets, blessures, désirs et toute la fatigue d’être. C’est une chose étrange, dans l’Inde, comme la victoire reste toujours à la brise dans le duel de la brise et de l’âme.

J’aime la Brigade Circulaire, parce que c’est la paix, le repos, l’extase du ciel, et quelquefois