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LETTRES SUR L’INDE

chef anglais quand il prend possession d’un pays nouveau. Arrivé à mi-chemin, à un petit plateau où la route s’élargit, il fut frappé des avantages de la place, qui, à la différence de Murree, est accessible en hiver, et il y établit son camp, ou, comme on dit là-bas, son chaoni : le chaoni prit son nom et s’appela « la ville d’Abbott », Abbottabad.

Montant de la fournaise de Péchawer, Abbottabad, aux premiers jours de mai, est une ivresse. La joie de vivre ou de revivre flotte dans l’air embaumé, sous l’azur pâle et souriant de l’Inde ; ce sont des orgies de fleurs tout le long des haies, avec leurs roses blanches, leurs roses roses, leurs roses rouges ; avec les étoiles blanches des phulvaris, les fleurs de grenades en taillis ; et puis, de tout côté, tout de suite dans la colline ! Montez cette colline qui domine le camp et que l’on appelle, je ne sais pourquoi, la Brigade Circulaire : le clocher de l’église émerge d’un taillis de verdure, où percent çà et la les toits rouges des bengalows ; au bas de la colline l’inévitable lawn tennis, le cimetière, et l’étang sombre où nage le lotus ; plus à droite, le champ de course ou de polo et les lignes des casernes ; tout cela, un petit point vert ; et à l’entour, de toutes parts, les hautes rangées de montagnes, à perte d’horizon ; tout près Thandiani, la froide ; plus au