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LETTRES SUR L’INDE

qui court vers Takhti Bahi et les ruines des rois bouddhistes ; — passer la nuit dans la gare déserte et affamée d’Attock, sous un ciel noir, aux bords d’un Indus sans rêves ; — le lendemain, pour tuer le temps, parcourir Hasan Abdal dans une de ces microscopiques et abominables ekkas, dans lesquelles je souhaite à mon pire ennemi de faire le tour du monde ; — vous traîner au jardin et à la tombe anonyme de Baba Vali de Kandahar, le couli devenu fakir et saint ; puis à l’étang de Gourou Nanak, le prophète Sikh, qui a laissé sur le mur l’empreinte sacrée de sa main ouverte, le Pir Panjah ; — attendre de nuit, dans le Dak Bengalow[1] désolé, la voiture d’Abbottabad ; partir, épuisé d’insomnie et de fièvre, à trois heures du matin, dans le froid et la brume ; monter, sous la pluie fine et pénétrante, le long des pentes abruptes et nues, heure après heure, secoué par le cahot haineux de la ronga ; — voici, soudain, que le soleil tardif perce à travers la bruine ; des cèdres et des déodars se lèvent au lointain ; une brise enivrante descend au-devant de vous, vous soulève vers elle du fond de l’accablement ; c’est déja la vie qui coule à plein

  1. Petit caravansérail entretenu par le gouvernement dans les principales localités : les voyageurs y passent la nuit pour une roupie ; ce ne sont pas des palais.