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XI
PRÉFACE

un gouvernement étranger plus de conscience, d’honnêteté professionnelle, de désir sincère de faire son devoir et de faire le bien que n’en montre en général le fonctionnaire anglais dans l’Inde. S’il y a eu un temps où des collecteurs avec des appointements spartiates se retiraient millionnaires, « ayant secoué l’arbre aux pagodes, » c’est là de l’histoire ancienne : et malgré les quelques scandales qui éclatent de temps en temps, il n’y a jamais eu dans les provinces romaines, même sous les Antonins, tant de pouvoir et de tentations avec si peu d’abus. Mais à ces maîtres honnêtes manque le don suprême, le seul qui fasse pardonner les supériorités écrasantes : la sympathie.

Au moment de la conquête et jusqu’à la grande rébellion, l’abîme était moins vaste entre Anglais et indigènes. La grande rébellion coïncida avec l’établissement des lignes de navigation rapide qui bientôt mirent Bombay à seize jours de Londres : le vieil Anglo-Indien, celui qui passait toute sa carrière dans l’Inde sans jamais toucher langue avec la terre natale, et qui souvent vivait à l’orientale, avec son harem indigène, se trouva du même coup rejeté de l’Inde et rapproché de l’Europe : la race disparut. L’Anglo-Indien d’aujourd’hui est un exilé dont tout le rêve est de rentrer aussitôt qu’il pourra au U. S. Club, qui compte les jours dans l’attente des